Soutenir les jardins maraîchers en semence pour appuyer la sécurité alimentaire à Mopti
Cas des associations Gnéréni et Faso Djiguiya
A l’entrée de la ville de Mopti se situe le jardin maraîcher de la société coopérative des maraîchers et planteurs de la commune de Mopti. Créée en 1986, cette coopérative rassemble 4 associations dont Gnéréni et Faso Djiguiya. Elle compte en tout 119 membres dont 72 femmes avec une tranche d’âge moyenne située entre 35 et 40 ans.
Mme Ba Aïssa Bagayoko, 56 ans, maraîchère, est la présidente de la coopérative depuis cette année. Également secrétaire administrative de l’association Gnéréni créée en 2004, elle était jusque-là la vice-présidente de la coopérative. Maraichère depuis l’enfance, Aïssa a appris et pratiqué le métier auprès de sa mère avant même d’avoir accès à une parcelle de terrain. C’est d’ailleurs pour éviter les intrusions inopinées que son collectif a décidé de s’organiser en société coopérative avec d’autres sur un périmètre maraîcher de 20 hectares soit environ 2 parcelles de 0,16 hectares par membre. Gnéréni et Faso Djiguiya opèrent dans un espace de travail inclusif avec plusieurs groupements de femmes et de jeunes sur la base du partage équitable des gains. Pour y adhérer, il faut être propriétaire terrien et faire du maraîchage. Les associations intégrées sont accessibles aux déplacés internes dont les hôtes sont des membres.
Parmi les travaux régaliens de son association, Aïssa cite : l’aménagement, la confection des planches, le compostage, la réalisation de pépinières, la plantation, le repiquage, l’entretien (binage naturel), la récolte et la vente. En termes de production, les associations disposent d’une gamme diversifiée de spéculations maraîchères. Les membres cultivent notamment des carottes, de la betterave, de la salade, des aubergines (exportée et locale), des oignons, de la pomme de terre, des échalotes, du haricot, du persil, du poivron, du céleri, de la tomate et du piment.
« C’est lors d’une réunion du secteur de l’agriculture de la direction régionale que nous avons pris connaissance du Programme d‘Appui à la Sécurité Alimentaire, la Réconciliation et la Résilience (PASERELL) de Mercy Corps. » nous dit Aïssa. « Par la suite, une visite a été effectuée par les agents avant les étapes de formation et d’encadrement. Le travail de la coopérative a été constaté puis évalué en tenant compte de l’accessibilité, de la permanence et de la motivation des membres » précise Moussa Traoré, chargé du volet agriculture et élevage sur le programme.
Parlant de leurs acquis après les différentes formations, les membres de la coopérative ont évoqué le compostage, les techniques de jardinage hors-sol, un nouveau système de traçage ainsi que la conservation des produits naturels. Depuis cette expérience, ils font plus usage des produits bio en évitant au maximum les produits chimiques. Désormais Gnéréni produit son propre engrais à base de fumures organiques ce qui lui permet d’économiser sur les frais d’investissement et d’obtenir son propre stock sans besoin perpétuel de ravitaillement. Par ailleurs, l’équipe de Mercy Corps a intégré la cendre dans la technique de compostage de la coopérative ce qui a enrichi le mélange en azote.
En 2022, pour la deuxième année consécutive, les 42 membres des deux associations précitées ont reçu des semences agricoles d’une valeur 25 000 francs CFA. « Cette année nous avons reçu les semences à temps et elles étaient de très bonne qualité surtout la pomme de terre, la salade et les aubergines. Nous avons également obtenu de bons résultats avec les oignons, les poivrons et le piment. Tout à pousser rapidement et les récoltes ont été bénéfiques. » nous disent les membres.
L’une des surprises les plus agréables pour Aïssa c’est la récolte de pomme de terre et sa bonne performance hors saison. Cette production a positivement affecté la consommation des membres dans une période où elle devenait rare dans la zone. En termes de rentabilité estimative, les membres sont passés d’environ 300 000 francs CFA de bénéfice net par an et par personne à 600 000 francs CFA.
Avec la bonne performance des récoltes, la clientèle du jardin maraîcher est également en croissance. Plusieurs vendeuses viennent régulièrement s’approvisionner auprès des maraîchers avant de revendre les produits majorés à Mopti. Ce choix s’explique par le fait que la société coopérative dans son entièreté garantisse une grande qualité de produits par rapport à la concurrence qui fait un usage excessif d’engrais chimiques.
Malgré cette nette progression d’année en année, les défis restent de taille pour les membres des associations Gnéréni et Faso Djiguiya. Malgré la qualité et la diversité des semences maraîchères, la quantité reste limitée. La récolte de la pomme de terre bien que fructueuse n’a pu servir qu’à leur consommation personnelle. L’irrigation du périmètre est également compliquée avec les infrastructures actuelles de la société coopérative. « Avec nos pompes, forages manuels et notre puits de 15 diamètres nous avons du mal en période de forte chaleur car l’eau s’évapore rapidement et les puits tarissent vite. Avec la surexploitation, les moteurs des motopompes tombent en panne et nous devons débourser encore plus d’argent pour leurs réparations mais aussi l’essence. » D’autres matériels comme les dabas, les binettes, les arrosoirs, les raccords, et les clôtures font aussi défaut.
Avec une quantité suffisante de spéculations, des matériels adaptés et de l’encadrement, Aïssa croit fermement qu’ils peuvent relever les défis de l’auto-suffisance alimentaire : « Avec 3 sacs de 25 kg de pomme de terre chacun, nous pouvons avoir un bien meilleur rendement que celui que nous avons eu cette année. En termes de variétés, nous affectionnons particulièrement Sponta, Pamina ou Sahel qui sont vraiment adaptées à nos terres. Qui dit maraîchage dit eau ! L’idéal serait d’avoir un nouveau château avec un système de forage performant. En dehors de ça, nous avons été formés sur les techniques de transformation de l’oignon mais ce sont les matériels qui nous manquent. Avec un appui dans ce sens, nous pouvons considérablement diversifier nos sources de revenus. »
« Nous remercions chaleureusement Mercy Corps et l’USAID pour leur apport bénéfique dans le bien-être de notre communauté. Rien que le fait de bénéficier de plants de pomme terre alors que le prix est d’achat est élevé sur le marché, c’est un réel un avantage. Pour continuer d’être plus performant, nous avons besoin d’appui supplémentaire, de formations et de plus d’accompagnement. Notre souhait c’est que le programme soit prolongé sur plusieurs années et qu’il touche encore plus de groupements maraîchers. »
Le Projet d‘Appui à la Sécurité Alimentaire, la Réconciliation et la Résilience (PASERREL) financé par l’USAID et mis œuvre par Mercy Corps a pour objectif d’améliorer le bien-être et la résilience économique des communautés du centre du Mali. Il vise notamment à améliorer la sécurité alimentaire par la diversification des activités agro-pastorales au sein des communautés les plus vulnérables.
PASERREL facilite l'accès aux intrants en parallèle avec les formations sur les techniques résilientes pour augmenter la production agricole. Ces activités intègrent une composante d'atténuation et de gestion des conflits afin d'assurer la protection des participants pendant les activités de production et de prévenir les tensions relatives à l'accès aux terres. Au total, le programme apportera son soutien à 1400 participants membres des groupements maraîchers ainsi qu”aux producteurs individuels dans les cercles Bankass, Koro, Mopti, Djenné et Bandiagara.