Dynamiser les jardins maraîchers par le soutien en semence et le suivi
Étude de cas du groupe Yiriwèrè de Bakro
Depuis le début de la crise complexe que traverse le Mali, la région de Mopti continue d’être marquée par une crise multiforme menaçant la vie des populations et fragilisant leurs moyens d’existence. La situation sécuritaire s’est davantage dégradée à cause des attaques de villages, des hostilités entre acteurs armés entraînant des déplacements de populations. Selon le bureau de la coordination des affaires humanitaires, 1 674 209 personnes sont dans le besoin de l’assistance humanitaire dont 425 697 personnes en insécurité alimentaire. A cette situation compliquée s'ajoute, les aléas climatiques, l'irrégularité des pluies et la difficulté d'accéder aux intrants agricoles pour les agriculteurs des communautés vulnérables.
C'est dans ce contexte difficile qu'opère Yiriwèrè un groupement maraicher basé dans le village de Bakro à une dizaine de kilomètres de la ville de Sévaré dans la région de Mopti, au centre du Mali. Il existe depuis 8 ans et compte 127 membres dont 74 femmes et 53 hommes. Tous exploitent désormais le jardin communautaire du village sur une surface de 2 hectares, équipée de 4 puits à grand diamètre, d’un grand et d’un petit château d’eau.
« Le jardin existe depuis 13 ans mais ce n’est qu’en 2013 que nous y travaillons en tant que groupement. Moi je supervise actuellement 3 groupes dont un de 32 personnes et deux de 46. C’est également moi qui m’occupe de la gestion du matériel, de la collecte des cotisations et de la gestion de la caisse de Yiriwèrè. » nous dit Bessema Tapily, conseiller du chef de village et responsable du groupement maraicher.
Les membres de Yiriwèrè cultivent divers types de tubercules, fruits et légumes dont la pomme de terre, l’oignon, le chou, la salade, la papaye et la banane parmi d’autres. Ils commercialisent directement leurs produits auprès de consommateurs réguliers comme les commerçants ou les élus locaux qui viennent d’autres villages, mais aussi de la ville de Sévaré ou de Mopti.
« Notre jardin jouit bonne d’une notoriété car n’utilisons jamais d’engrais chimiques, seulement de la fumure organique. Nos clients préfèrent nos produits car ils peuvent les conserver pendant plus de 3 mois. Avant, nous vendions nos produits uniquement au marché mais par la suite nous avons compris que les clients préfèrent venir les acheter directement ici à Bakro » précise le responsable.
Dans le cadre de notre Projet d‘Appui à la Sécurité Alimentaire, la Réconciliation et la Résilience (PASERELL), nous identifions des groupements agricoles qui ont le potentiel de développer leur capacité de production après un appui en semences et une formation technique. Les semences agricoles sont fournies en fonction de la zone, des spéculations adaptées et des besoins des participants.
Une fois sélectionnés, les groupements bénéficient de diverses formations sur les techniques agricoles améliorées mais aussi du suivi continu par des agents de l’organisation.
« Quand nous avons appris la présence de Mercy Corps dans la région, c’est nous même qui avons pris l’initiative de rentrer en contact avec leurs agents. Après nos échanges et à la suite des différentes procédures, ils ont tenu d’abord à évaluer notre jardin. Une fois cette évaluation concluante, nous avons entrepris notre collaboration et nous avons bénéficié d’appui en semence. Il y avait notamment des semences de pomme de terre, d’oignons, de salades et de betteraves. Pratiquement tout ce qu’il y a dans le jardin actuellement provient de l’appui de Mercy Corps. » dit Bessema.
Avec cet accès gratuit à une quantité suffisante de semences, le groupement Yiriwèrè est devenu beaucoup plus productif. D’un bénéfice net mensuel de 200 à 250 000 Francs CFA, le groupement estime désormais sa rentabilité entre 600 et à 700 000 Francs CFA par mois.
« Actuellement, nous avons triplé nos bénéfices ! Cela a même contribué au fait que nous ayons pu nous procurer un deuxième jardin. En plus, en dehors des gains financiers, nous avons beaucoup appris sur le plan technique. C’est vrai que nous avions déjà fait le choix d’utiliser seulement des fumures organiques, mais Mercy Corps a renforcé nos connaissances en nous apprenant de nouvelles méthodes d’utilisation des planches. Avant nous n'appliquons que des méthodes traditionnelles moins efficaces » selon monsieur Tapily.
De leurs côtés, les agricultrices du groupement Yiriwèrè affirment que la redynamisation du jardin maraîcher a réellement permis de renforcer leur sécurité alimentaire. Désormais, elles accèdent facilement à des produits diversifiés tels que l’oignon, les pommes de terre, la papaye, la banane etc. A présent d’autres méthodes leur permettent de rentabiliser leur business. « Après la récolte de l’oignon, nous vendons une partie telle quelle et nous vendons une certaine quantité que nous faisons sécher. Certains de nos clients la réduisent aussi en poudre et la vendent à leur tour. En parallèle, nous même, nous utilisons ces oignons séchés pour notre consommation personnelle » nous dit Ramata Bocoum, membre du groupement.
Bourama Tapily, chef de village à Bakro quant à lui, voit dans l’activité maraichère, une véritable opportunité pour réduire le fléau de l’immigration dans la région. Selon ses propos, les jeunes et les femmes sont de plus en plus impliqués depuis que le jardin est productif et renoncent désormais à se déplacer ailleurs.
Malgré cette amélioration fulgurante, les membres de Yiriwèrè font toujours face à de gros défis. En effet, sur les 4 puits précités 2 sont complètement asséchés créant ainsi une pénurie en eau. « Comme vous le voyez, une partie du champ est déjà sèche alors que nous l’avons arrosé hier. Sans système adéquat, l’eau ne peut pas couvrir toute la surface de notre jardin. Le château d’eau seul ne peut pas non répondre à notre besoin en eau et le transport manuel nous épuise énormément » précise Ramata. Étant plus d’une centaine de membres à travailler dans le jardin, le groupement a constamment besoin d’augmenter son rendement.
Pour cela, ils ont besoin d’équipements agricoles mais aussi de matériels tels que des grillages solides pour sécuriser leur jardin contre les moutons et les chèvres qui broutent tout sur leurs passages. Avec plus de moyens, Yiriwèrè compte dépasser le million de bénéfices. Leur ambition en tant qu’agriculteurs, c’est que la ville Sévaré soit autant autosuffisante sur le plan alimentaire que la ville de Sikasso.
Le Projet d‘Appui à la Sécurité Alimentaire, la Réconciliation et la Résilience (PASERELL) financé par l’USAID et mis œuvre par Mercy Corps a pour objectif d’améliorer le bien-être et la résilience économique des communautés du centre du Mali. Il vise notamment à améliorer la sécurité alimentaire par la diversification des activités agro-pastorales au sein des communautés les plus vulnérables.